Être hypocondriaque au temps du Covid-19

Une souffrance incomprise et silencieuse – Image libre de droits
(Pixabay)

La crise sanitaire actuelle rend la population anxieuse. Les courses sont devenues une sortie à risques et le contact humain s’apparente à un danger sans précédent. Mais pour certains, la situation est pire encore : les hypocondriaques se sentent assiégés par la mort. Sous noms d’emprunt, Marc et sa fille Téa racontent leur histoire.

« Par son stress permanent, il nous donne l’impression qu’on va tous mourir ! » lance Téa. Pour elle, le confinement provoqué par le Covid-19 s’est avéré particulièrement difficile. Avec un père hypocondriaque, le quotidien est devenu combat. « Tout est accentué : la propreté devient une obsession, il nettoie compulsivement… Je deviens folle », explique la jeune fille. Effectivement, dans leur vie en enfermement forcé, tout est une épreuve.

Des manies rythmant le quotidien
Pour se sentir en sécurité, Marc a mis en place de nombreuses habitudes. Chaque instant devient un véritable cérémonial. Lorsqu’il va faire les courses, le cinquantenaire a une démarche particulière. « On réserve d’abord par un Collect&Go, pour ne pas entrer dans le magasin. Quand j’arrive, je vérifie que le caddie a été désinfecté. Je reste bien à distance des employés et je mets les courses dans la voiture très rapidement ». Ce n’est pas fini : arrivé à son domicile, une autre étape commence : son épouse l’attend et réceptionne les produits dans le garage. L’homme retire ses chaussures, qui ne rentrent jamais dans la maison, « Si quelqu’un a craché par terre et que je marche dedans, je peux avoir le virus sur les semelles ». Là, ils passent une à deux heures à nettoyer les articles au Dettol. Quand c’est fait, Marc retire l’ensemble de ses vêtements qui seront directement passés à la machine à laver avec du produit désinfectant.

Pour prendre le courrier dans sa boîte aux lettres, c’est pareil. Il enfile une paire de gants, qu’il enfermera dans un sachet en plastique après usage. « Le courrier reste en quarantaine dans le garage deux à trois jours, le temps qu’il faut pour éviter les risques de contagion », développe Marc. Quand il le récupère, un procédé précis est encore mis en place : il utilise des gants pour ouvrir les lettres et quand il a terminé de traiter l’ensemble, il brûle toutes les enveloppes dans son jardin. Des exemples qui démontrent la panique qui habite le père de famille… « Je dois même laver les pattes de mon chien quand on rentre de balade », ajoute Téa. Ces habitudes rassurent Marc, mais elles pèsent dans le quotidien de ses proches et génèrent beaucoup de tensions.

« Depuis l’enfance »
Depuis sa jeunesse, Marc est hypocondriaque. Petit, il ne voulait pas jouer dans la poussière. « Je me lavais les mains dix fois par jour », ajoute-t-il. Il s’agit d’un trouble psychiatrique ancré en lui depuis toujours. Pour sa femme et ses filles, il est difficile voire impossible de lui apporter du réconfort lors de ses crises d’angoisse. Jour après jour, elles tentent de garder le moral mais c’est très compliqué. « En tant que proche de la personne hypocondriaque, c’est très difficile à vivre. On peut essayer de le rassurer et lui montrer notre soutien,
mais il faut absolument éviter d’entrer dans son délire », explique Christiane Boucher, psychanalyste. Le confinement est aujourd’hui terminé mais Marc reste enfermé. En chômage technique depuis trois mois, il n’a pas encore repris le travail… « Je n’ai pas encore la force de retourner au boulot, j’ai très peur de tomber malade ».

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